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Comment bien préparer la rentrée ? … ou comment l’Education Nationale loupe sa communication en 1 leçon

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Il y a quelques jours, je suis tombée sur une interview de Marcel Rufo sur le site de l’Education Nationale, que vous pouvez lire et/ou écouter par ici.

Oserai-je dire que la lecture de cette interview m’a laissée un goût amer, une grande tristesse ?

Certes je ne suis pas une grande fan de Marcel Rufo – ses propos de 2004 sur l’allaitement m’auraient fait mourir de rire si je n’avais pas été accablée de désespoir en lisant un tel ramassis d’idées reçues. Mais là n’est pas le sujet d’aujourd’hui.

Bien sur, cette interview est un exercice de style pour convaincre les gens que la réforme de rythmes scolaires est une bonne chose et qu’elle est donc orientée.

Mais même là, ce texte est d’une maladresse telle qu’il risque même d’énerver ceux qui étaient convaincus ou qui voulaient laisser leur chance à cette réforme.

Pire encore, cette interview par la non-reconnaissance des sentiments des parents et les clichés qu’elle véhicule ne fait que renforcer l’absence de dialogue et d’échange autour de l’enfant dont souffre déjà terriblement l’Education Nationale et les enseignants en particulier.

Marcel Rufo s’y place tout du long dans la posture paternaliste du bon père de famille qui a à gérer de pauvres enfants pas très intelligents – nous, les parents. C’est sincèrement le sentiment que j’ai eu en lisant cette interview et je vais vous montrer pourquoi j’ai eu – et d’autres avec moi – cette sensation

Quelques morceaux choisis et mon analyse de ceux-ci pour vous montrer comment je vois cette interview …

À chaque rentrée, on a, en tant que parent, une vraie anxiété. Comment cela va-t-il se passer ? Est-ce que l’enseignant va être bon ? Est-ce que mon enfant va s’adapter ? Est-ce qu’il va réussir ? Une somme d’anxiété qui parcourt les pensées des parents et qui, sans doute, parasite aussi le fait d’y aller avec confiance. Je crois qu’il faut être optimiste sur l’année qui vient.

La clé de l’école, c’est la délégation de l’autorité aux enseignants qui ont la charge des enseignements, et non pas de l’éducation de nos enfants. Et pour cela, il faut leur faire confiance et déléguer cette autorité aux enseignants.

Bien sur que la confiance facilite les choses.

Mais dire à quelqu’un qui a peur « ayez confiance » ou « soyez optimiste« , c’est comme dire à un affamé qui n’a pas de pain : « mangez de la brioche« . On a vu le résultat il y a quelques siècles !

C’est une injonction du type « lâchez prise ! », irréalisable et dangereuse. J’en avais longuement parlé dans l’article « Lâcher prise, si je veux, quand je peux » sur mon blog.

La confiance ne se décrète pas, elle se construit. Si mon enfant n’a jamais eu de problèmes avec l’école, alors je peux facilement faire confiance. S’il en a eu, j’ai déjà spontanément – et très légitimement – des craintes. Et pour construire la confiance, il est nécessaire d’ouvrir le dialogue, de se parler, d’échanger et de se sentir entendu et compris dans la façon dont on ressent les choses. Et on va voir plus loin que ce n’est pas vraiment le cas …

Ensuite Marcel Rufo nous parle du plaisir d’aller à l’école :

Oh, c’est bien d’aller plus longtemps à l’école ! Un peu moins longtemps dans la journée et d’avantage dans la semaine. Vous savez, nous sommes tous issus d’une scolarité où nous allions plus à l’école que les enfants actuels. On n’était pas à la semaine de 4 jours. Croyez-vous que l’on en ait tellement souffert, d’aller un peu plus à l’école ? Moi, je ne crois pas !

Je crois que finalement les enfants adorent être à l’école. Ils adorent l’école. Ils adorent retrouver leurs copains, les cours de récré, avec désormais des temps scolaires aménagés, et sans de grandes ruptures pendant lesquelles ils sont tous devant des jeux vidéo sinon.

C’est bien d’aller à l’école … si on aime l’école et si on s’y sent bien !  

Si l’enfant est en difficulté à l’école que ce soit dans l’apprentissage, la relation à l’enseignant ou avec ses camarades de classe, il y a peu de chance qu’il apprécie une 1/2 journée supplémentaire d’école. Les enfants qui étaient en échec scolaire et en difficulté quand nous avions la journée de 4,5 jours auraient probablement été ravis d’avoir une journée de 4 jours.

Donc non, tous les enfants n’adorent pas l’école et Marcel Rufo oublie bien vite ces enfants-là … qui sont justement ceux pour qui on fait des réformes.

Tout tend à le démonter, notre système n’est pas adapté aux élèves en difficulté (voir cet article du Monde à ce sujet). Et là, on les oublie tout simplement, comme si aller à l’école était un bonheur pour tous, ce qui est très loin d’être vrai !!!

Quant aux tablettes, il y a aussi des enfants qui ne jouent pas sur les jeux vidéos et qui passent du temps agréable en famille pendant les temps non scolaires, qui ont des activités, qui découvrent la nature, la culture et d’autres choses …

Bref, que de généralisations et de clichés : on a l’impression au travers de ces propos que tous les enfants scolarisés de 3 à 18 ans aiment et réussissent à l’école et jouent sur leurs consoles dès qu’ils en sortent …

Cette réforme donne l’opportunité de se parler, de discuter du développement de l’enfant. C’est quand même pas mal, vous savez ! Si cela ne servait qu’à cela, ce serait déjà bien.

Enfin on parle du dialogue nécessaire pour que les choses se passent mieux ! Sauf que l’interview donne l’exemple contraire à ce sujet … car justement vient une question qui justement aurait pu ouvrir le dialogue mais c’est encore raté !

  • Le passage à la semaine de 5 matinées d’enseignement suscite de nombreuses questions de la part des parents. Que va faire mon enfant quand il ne sera pas en classe, et avec qui ? Va-t-il perdre ses repères ? Sera-t-il plus fatigué, plus excité ? Que peut-on dire pour les rassurer ?

    Mais enfin, nous n’étions ni fatigués, ni excités ! Les parents n’ont qu’à se rappeler de ce qu’ils étaient à l’école ! On n’a pas à être pour ou être contre. Qu’est-ce qui est mieux pour l’enfant ?

    Je crois que les études doivent servir aussi « au mieux éduquer » et « au mieux respecter l’enfant dans ses capacités ». Sinon, à quoi cela sert de faire de la chronobiologie, si cela n’entraîne aucune modification favorable à l’enfant, aux enseignants et aux familles ?

Donc, en gros, nous les parents qui sommes inquiets, sommes des irresponsables qui nous inquiétons pour rien ?

Justement la question est posée : à quoi sert de faire de la chronobiologie si cela n’entraine aucune modification favorable à l’enfant, aux enseignants, aux familles ?

Quelles sont les modifications favorables aux enseignants que cela suscite exactement ? Hypothétiquement des apprentissages facilités pour les enfants … mais certainement plus de temps de travail et moins de temps pour préparer les cours.

Les modifications favorables pour les familles ? Encore une fois hypothétiquement des apprentissages favorisés pour les enfants, mais surtout une réorganisation, plus de temps en garderie pour la majorité des enfants (dans les communes rurales, les activités périscolaires sont généralement de la garderie ni plus ni moins), moins de temps en famille (pour ceux qui ne travaillaient pas le mercredi et en profitaient pour être avec leurs enfants.

Les modifications favorables pour les enfants ? Encore hypothétiquement des apprentissages favorisés mais surtout pour ceux qui sont en difficulté, l’angoisse de passer encore plus de temps dans un endroit qu’ils n’aiment pas et plus de temps en garderie pour la majorité d’entre eux (et la garderie est un temps collectif qui, à mon avis, fatigue beaucoup plus les enfants que le temps de classe).

Donc oui la chronobiologie semble montrer que ces rythmes sont favorables aux enfants. Pour ma part, j’ai envie d’y croire, sincèrement. Mais cela reste à prouver dans les faits. Et les parents ne le croiront qu’en constatant que ça marche effectivement. Pas parce qu’on les traite d’irresponsables s’ils ont des doutes.

Et puis on en revient finalement à la culpabilisation des parents et à l’injonction paradoxale « ne vous inquiétez pas ! »

Les enfants sont de vrais observateurs d’adultes, et surtout des parents. Ils risquent pour être fidèles à notre anxiété, d’être eux-mêmes anxieux. Mon travail, c’est d’éliminer cette anxiété, parce qu’elle est contagieuse auprès des enfants.

Je lance cet appel aux parents. Soyez optimistes sur l’avenir de nos enfants dans une éducation nationale hyper dotée, renforcée au niveau des moyens. Vraiment c’est une chance énorme pour notre pays. C’est une chance énorme que les mairies, les élus avec les animateurs, participent aussi à cette belle mission du développement des enfants, du mieux qu’ils le peuvent, et dans ce beau pays qu’est le nôtre.

Donc si les parents s’angoissent, c’est de la faute des parents ?

De plus, encore une fois, cet appel à l’optimisme est bien beau … mais il n’est pas réalisable ! Tiens, si ça vous intéresse, je vous mets encore 2 liens sur des articles de mon blog à propos de la peur et de l’anxiété des parents : « la peur, signal d’alarme » et « je suis trop fusionnelle et trop anxieuse ». Ca pourrait intéresser l’Education Nationale et Marcel Rufo, sait-on jamais ;-) !

Je suis sûr, tiens, je prends les paris ! L’évaluation sera somptueuse dans quelques années, et j’espère qu’avec d’autres modifications, on diminuera notoirement les 15% d’enfants qui arrivent au collège sans maîtriser la lecture. Je pense que cette réforme participera à un meilleur apprentissage, on se donne rendez-vous dans cinq ans, après sa mise en place, et on verra qu’elle sera bonne ! Je prends les paris.

Moi aussi je prends les paris … Et je ne suis pas sure que le résultat soit aussi positif que celui qu’en espère Marcel Rufo, notamment si la communication de l’Education Nationale se résume à nier le ressenti des parents.

A titre personnel, je pense qu’il y avait bien d’autres réformes à faire avant celle-ci … et notamment mieux former les enseignants à la relation, à la compréhension du fonctionnement des enfants, à la communication avec des enfants, aux outils d’une pédagogie positive, … mais aussi à leur fournir le soutien dont ils ont besoin dans l’exercice de leur métier difficile, sous forme d’analyse des pratiques par exemple (concrète, pragmatique, réaliste, …) ou sous d’autres formes encore.

Mesdames et messieurs les communicants de l’Education Nationale, vous vous rendriez à vous-même un grand service en choisissant des intervenants à l’écoute des gens et les comprenant vraiment.

Je me suis moi-même prêtée au jeu de cette interview sur mon blog pour vous montrer ce que cela aurait pu donner avec une approche différente. Vous pouvez la lire ici … et me dire ce que vous en pensez !



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